Une enfant de trois ans, à qui Ledare a prêté une grande photo de sa mère, a crayonné, griffé, gommé un peu partout.
Paradoxe que cet œdipe à l’œil rivé sur sa Mom, sa mère. Bataille est aussi convoqué pour expliquer l’œuvre de ce disciple de Larry Clark, mais qui au lieu de mettre en scène une cougar anonyme s’offrant à l’ami de son fils (Ken Park), photographie sa propre mère faisant des galipettes avec des garçons de son âge. Et c’est, Tina, la maman, qui se met le plus souvent en scène.
Si l’on en croit le récit de Leigh Ledare lui-même, cette aventure quasi incestueuse a démarré, alors qu’il avait 22 ans et qu’il retournait voir sa mère, qu’il n’avait pas revue depuis 18 mois. "Elle savait que je devais venir et a ouvert la porte nue". Dans la chambre de sa mère "un jeune homme, quasiment de mon âge, était étendu, nu. Il vint me dire bonjour et retourna se coucher". « J'interprétai cela comme une manière pour ma mère de m'annoncer où elle en était dans sa vie et pour me signifier: "accepte-moi telle que je suis ou adieu bye-bye". »
DOUBLE BIND
Rien n’est très simple avec Leigh Ledare, né à Seattle en 1976. En témoigne Double Bind (double contrainte).
Il imagine un jeu un peu masochiste avec son ex-femme, Meghan Ledare-Fedderly : elle passerait trois nuits avec lui dans une cabane isolée dans la forêt, où il la photographierait. Ensuite, il prendrait en charge les frais de cette même expérience, mais cette fois avec le nouveau mari, le photographe Adam Fedderly. Ce qui fut fait, Meghan étant mitraillée par son ex d’abord. Puis par le mari qui remit les pellicules non développées à Leigh Ledare.
Il a développés et tirés lui-même ces centaines de clichés. Outre des expositions où il présente certains d’entre elles sous vitrines et d’autres en piles à côté d’images trouvées, de magazines pornographiques, de souvenirs en piteux état et de photos de familles, il en fait une œuvre en trois volumes. Dans le premier, intitulé Husbands, il présente l’ensemble des photographies de Meghan Ledare-Fedderly prises par les deux, en miroir, sur les doubles pages successives. Le second Diptychs est composé de collages montés avec un fond blanc pour Adam Fedderly et un fond noir pour Leigh Ledare. Le troisième Ephemeras est une accumulation d’images tirées de magazines : ces images supplémentaires jouent un rôle analytique de la création de sens à partir d’un champ commun de représentation, nous dit une pédante critique.